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80 documents à la une

Quatre pandémies à la Une en 80 documents (France-Espagne, 1720-2022)

Introduction

Cette exposition numérique est le fruit de la rencontre entre un sujet d’étude —l’information en temps de crise en Europe méridionale —  et une actualité ; entre passé et temps présent.

Le projet, porté par des enseignants – chercheurs de l'UMR  TELEMMe (Aix-Marseille Université - CNRS) et conduit en partenariat avec l’  Hémérothèque Municipale de Madrid - est né courant 2020 alors que déferlait sur l’Europe une épidémie en provenance de Chine – requalifiée en pandémie par l’OMS au mois de mars -, celle du Covid-19, qui devait frapper avec une incroyable violence tous les continents, mettre le monde sous cloche au gré des confinements généralisés et nous plonger dans une crise aux multiples facettes : sanitaire - bien sûr - mais également sociale, économique et informationnelle.  Nous nous sommes alors trouvés brutalement confrontés à une réalité sidérante qui semblait d’un autre temps et qui, d’emblée, a donné lieu à une frénésie médiatique d’une rare intensité. Face à l’ampleur de la tragédie qui a frappé les pays les uns après les autres, face au besoin de trouver des réponses aux questionnements naturellement suscités par le déclanchement d’une pandémie, le poids des émotions et des passions, la soif de certains de s’exprimer à tout prix, sans délais, à hue et à dia, ont souvent mis en sourdine la voix de la raison et de la transparence dans la fabrique et la diffusion de l’information. Défiance vis-à-vis d’autorités qui n’osent pas tout dire, qui jouent à l’occasion la carte de la dissimulation au risque d’accroître les tensions, qui censurent, prolifération de prétendus experts qui, notamment sur les plateaux des chaines d’information en continu, assènent avec une assurance sans limites leur vérité, hiatus entre le temps médiatique, le temps scientifique et le temps politique, médiatisation à outrance des querelles entre chercheurs qui amènent certains jusqu’à douter de la voix de la science, suspicion à l’égard des médias traditionnels; prolifération des rumeurs les plus folles notamment sur les réseaux sociaux, déferlante de désinformation, de mésinformation, de fake news ou d’infox (en bon français, ou presque), thèses complotistes, etc. Voilà une liste à la Prévert qui donne le vertige. La crise sanitaire qu’il nous a été donné de vivre, puissant catalyseur de pathologies de l’information, nous a fait plonger avec fracas dans l’ère de l’infobésité et de l’infodémie. A chacun de tenter de s’y retrouver face à ce tsunami informationnel.

En février 2017, Le Monde avait offert à ses lecteurs une rubrique au titre explicite : Les « Décodeurs » ainsi qu’un moteur de recherche DECODEX conçu afin de « lutter contre la diffusion virale de fausses informations et à aider les internautes à se repérer dans la jungle des sites producteurs ou relayeurs d’informations ». L’initiative avait fait polémique à l’époque. Le 15 mai 2020 (quelques jours après la levée progressive, en France, des restrictions du premier confinement) Les Décodeurs du Monde répondaient à la question « Peut-on comparer les mesures prises face à la grippe espagnole de 1918 et face au Covid-19 ? » et ce en lien avec une publication virale lancée sur Facebook appelant à ne pas reproduire les erreurs commises par les Français en 1918 par crainte d’une deuxième vague de contamination. Ils s’appuyèrent alors pour répondre à la question posée sur les travaux d’un universitaire : Fred Vinet, professeur de géographie à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, auteur d’un ouvrage intitulé La Grande Grippe : 1918, la pire épidémie du siècle (Vendémiaire, 2018).

De fait, l’histoire des pandémies s’est rapidement invitée dans divers médias, par le biais de « parallèles pandémiques » pour reprendre le titre d’une publication de Libération les 12 et 13 août 2020 signée par Marie Fantozzi qui sur son compte Tweeter se présentait comme une « Journaliste indé mi-plume mi-icono » et qui dans « son papier » invitait les lecteurs de Libération à revisiter le temps grâce au travail de photographes mêlant archives de la grippe dite espagnole et images actuelles. J’emprunterai également quelques exemples de ces temps mêlés à la presse espagnole.

Le 27 mars 2020 Heraldo de Aragón (qui fêtait alors son 125e anniversaire) publia une dépêche Europa Press intitulée « Un estudio de EE. UU. pone como ejemplo la 'gripe española' de 1918 para evidenciar la eficacia del confinamiento » (« Une étude aux Etats-Unis donne pour exemple la ‘grippe espagnole’ de 1918 pour mettre en évidence l‘efficacité du confinement »), complétée par un florilège de coupures de presse sur la question parues en 1918 dans ce même périodique.

Le 30 mars Hoja del lunes.com, qui relève de l’APA (Association des Journalistes de la Province d’Alicante : journalisme écrit, audio, visuel ou graphique) publiait dans la section CONTRASTES « Gripe española, epidemia censurada » (« Grippe espagnole, épidémie censurée » qui met en lien la terrible pandémie de 1918-1919, censurée car passée sous silence dans les pays belligérants à celle que nous vivons : une épidémie hypermédiatisée et vécue en direct pour reprendre les propos de Benjamín Llorens. Le lendemain  EL PAÍS dans « La injustamente apodada “gripe española” de 1918 » (Patricia R. Blanco), travaux de chercheurs à l’appui, s’intéressait aux origines géographiques de cette grippe et abordait la question du surnom qui lui fut alors donné et qui est resté dans les mémoires même si le patient zéro n’avait rien d’espagnol.

Un peu plus avant le 11 novembre 2020, ce même quotidien publia un article « Alicante, 1918 : la lucha contra otra pandemia que también estigmatizó a las zonas pobres » (« Alicante, 1918 : la lutte contre une autre pandémie qui stigmatisa également les zones pauvres ») qui traitait d'un autre aspect du problème, et pas le moindre : celui des inégalités sociales face à la maladie. Des documents d’archives furent mobilisés, des chercheurs sollicités et cités par Rafa Burgos qui signa ce papier. Voilà donc des journalistes qui confrontent présent et passé.

En cette fin 2022, ce chapitre pandémique de l’histoire mondiale n’est toujours pas clos. Le 29 novembre la Première ministre, Elisabeth Borne, devant l’Assemblée Nationale déclarait « Aujourd’hui , l’épidémie de Covid repart ». On parle désormais d’une 9e vague, mais l’on serait en passe disait le 5 décembre Philippe Sansonetti (chercheur à l’Institut Pasteur et professeur au Collège de France), au micro de France Inter, d’entrer dans une période de transition, de bascule d’une pandémie vers une maladie endémique à haut risque.

Au terme de cette troisième année d’une pandémie qui a bouleversé nos vies à bien des niveaux,  l’équipe de 80 documents à la Une vous livre une exposition virtuelle qui invite à une mise en dialogue de quatre temps pandémiques et de quatre temps médiatiques, à un voyage dans le temps et dans l’espace. Dans ce rapprochement entre passé et présent il a fallu opérer des choix. L’espace géographique visité est celui de la France et de l’Espagne, mais il n’est pas fermé et ses frontières sont extensibles, notamment lorsque les réseaux sociaux et le web sont de la partie. La frise chronologique qui se dessine s’ouvre au siècle des Lumières et s’achève aujourd’hui même ou presque avec un arrêt en images sur quatre épidémies ou pandémies survenues aux alentours des années 20 des XVIIIe, XIXe, XXe et XXIe siècles.  Les choix opérés se sont imposés comme une évidence. A chacune d’entre elles correspond une salle virtuelle.

Salle 1 - La peste de Marseille de 1720-1722, à la différence de celles qui ont précédé a laissé de multiples traces. Elle a donné lieu à de nombreux témoignages, à une abondante production littéraire, artistique et même journalistique.

Salle 2 - L’épidémie de fièvre jaune de 1821 qui frappa le pays voisin, et plus précisément la Catalogne était également incontournable. Ce n’était pas non plus la première épidémie qui frappait l’Espagne, loin de là, mais elle fut particulièrement meurtrière et surtout le contexte politique était bien particulier : c’était celui de la seconde Révolution d’Espagne.

Salle 3 - La Grippe de 1918-1919, appelée, à tort la grippe espagnole et avec raison « la grande tueuse », s’imposait également. Elle correspond à un temps fort de l’Histoire, celui de la Grande Guerre, et cette crise sanitaire, qui a frappé plusieurs continents, et fut la plus mortifère du XXe siècle, a profondément changé la société.

Salle 4 – La Covid-19 nous plonge dans un autre temps pandémique, le nôtre, celui d’une autre page de l’histoire, encore en cours d’écriture celle-là et qui fera également date. Elle correspond surtout à celle d’un autre temps médiatique, bien différent, celui des cultures numériques.

Chaque salle donne lieu à une double introduction, l’une par le texte et l’autre audiovisuelle. Elle offre au visiteur une galerie de 20 documents d’époque numérisés. Chacun d’entre eux fait l’objet d’une notice. Le visiteur y trouvera, notamment, une contextualisation et une analyse du document (champ description) ainsi que des références à des publications (champ relation) lui permettant, s’il le souhaite, d’approfondir la question.

Les 80 documents ainsi rassemblés, nous invitent, en nous plongeant dans l’histoire, à mettre en regard notre présent, à interroger notre rapport à l’information et à la vérité, à la science et à l’action des politiques en temps de crise sanitaire. Alors que nous avons été confrontés à une pandémie appelée elle-même à entrer dans l’histoire, ce corpus numérique qui révèle malgré la distance bien des similitudes entre les quatre temps pandémiques évoqués, nous permet de saisir toute l’importance de la préservation des traces d’une mémoire collective et l’ampleur des défis qu'une telle tâche implique à l’ère des cultures numériques.

Aix-en-Provence, 15 décembre 2022

Elisabel Larriba

<p class="western">Vue du Cours de Marseille (avec détails)<i><br /></i></p>

Salle 1 | La peste de Marseille (1720-1722)

La peste dite de Marseille ou de Provence est survenue à la fin du printemps de 1720. Elle a connu une accalmie pendant l’hiver et a eu deux retours, en 1721 et 1722. C’est la dernière grande peste française car l’ultime, celle dite « des chiffonniers » en 1920, fit quelques dizaines de morts avant d’être jugulée. Elle a frappé avec des décalages chronologiques les principales villes (Aix, Arles, Toulon), des bourgs et villages de Provence, Avignon et le Comtat et aussi les marges du Gévaudan (Ardèche actuelle).

L’Europe croyait que la peste était maitrisée par le réseau des contrôles sanitaires et les quarantaines des bateaux, des hommes et des marchandises dans les lazarets. Dès le début de l’épidémie, les contemporains ont expliqué l’entrée de la peste par l’arrivée, le samedi 25 mai 1720 dans la rade de Marseille, du Grand-Saint-Antoine, venant du Levant, la Méditerranée orientale, et qui avait connu, des morts à son bord. Accéder à la salle pour en savoir plus

Portrait d'homme souffrant de la fièvre jaune

Salle 2 | La fièvre jaune de Catalogne (1821)

Au début du XIXème siècle, la fièvre jaune sévit régulièrement aussi bien en Amérique (en particulier aux Antilles et en Louisianne, aux Etats Unis) qu’en Europe (spécialement en Espagne). Mais de toutes les épidémies que connurent l’ancien et le nouveau monde, celle qui ravagea la Catalogne espagnole d’août à la fin décembre 1821 fut celle qui marqua le plus fortement et le plus durablement les esprits, notamment en France, où la toponymie des rues de la capitale et de Grenoble perpétue encore le souvenir de cette tragédie.

Ce fut tout d’abord une crise sanitaire extrêmement meurtrière, qui emporta quelque 25 000 des 90 000 habitants de Barcelone, et à Tortosa, la moitié des 4 000 personnes (sur une population totale de 10 000 âmes) qui ne purent se réfugier à la campagne et où la situation fut à ce point dramatique que l’on envisagea de raser la ville pour éviter qu’une semblable situation ne se reproduise. Accéder à la salle pour en savoir plus

Les londoniens portent des masques pour se préserver de la grippe espagnole<br />

Salle 3 | La llamada Grippe Española (1918-1919) / La grippe dite espagnole (1918-1919)

Este portal temático plantea el estudio de la llamada Gripe Española a partir de fuentes hemerográficas. El germen de parte de este trabajo se gestó durante la crisis sanitaria actual.  Fue realizado en línea por el personal técnico de la Hemeroteca Municipal de Madrid durante el confinamiento domiciliario forzoso en la primera ola de la pandemia por Covid en 2020.

La idea de realizar esta recopilación documental surgió al preguntarnos hoy qué información hemerográfica se conserva de la pandemia de hace un siglo. Reflexión que podría ampliarse para preguntarnos también qué se conservará de la información de la pandemia actual en el futuro en esta sociedad hiperconectada, donde la información se genera y transmite de manera mayoritaria a través de pantallas. Accéder à la salle pour en savoir plus

<em>De la peste au Covid-19... Mask Story, </em>fresque murale, Caen, avril 2020 <em><br /></em>

Salle 4 | La Covid-19 (2019-)

Cette quatrième salle de l’exposition Quatre pandémies à la Une en 80 documents est consacrée à la pandémie de Covid-19, maladie infectieuse causée par un coronavirus apparue à Wuhan, en Chine, en décembre 2019. Caractérisée par une contagion rapide et une mortalité élevée, cette épidémie a touché 180 pays dans le monde. Le 11 mars 2020, elle a été catégorisée comme pandémie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Un mois plus tôt, cette même organisation qualifiait déjà d’« infodémie » le torrent médiatique généré par cette crise (Girel, 2020). Vécue en synchronie sur la planète entière, relayée par l’ensemble des médias à grand renfort de chiffres alarmants, d’images saisissantes et de commentaires continus, répercutée en direct par des millions, voire des milliards d’usagers des réseaux sociaux numériques (RSN), la pandémie de Covid-19 est, du point de vue de la masse d’information (et de mésinformation) qu’elle a engendrée, un « événement » médiatique sans précédent. Accéder à la salle pour en savoir plus

Partenaires de l'exposition

Logos de TELEMMe, AMU et le CNRS
Logo Hemeroteca Municipal de Madrid
Logo Bourse aux projets de culture scientifique (AMU)
Logo des Films du Papillon
Quatre pandémies à la Une en 80 documents (France-Espagne, 1720-2022)