Estat du Bled que la Communautté a acheptté Pandant la pestte pour La subsistance des habits. 1721

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Titre

Estat du Bled que la Communautté a acheptté Pandant la pestte pour La subsistance des habits. 1721

Description

Ravitaillement en temps de contagion

En 1720, à la peur de la maladie se superpose le spectre de la crise de subsistance, de la disette voire de la famine. Aussi, outre la surveillance de la cité et de ses alentours, il importe aux responsables des communautés urbaines et villageoises, comme aux particuliers, de constituer des réserves, surtout alimentaires. Ainsi en est-il de ces achats de blé effectués à La Valette, près de Toulon, pour assurer la subsistance des habitants et organiser des secours. Dresser un état des ressources disponibles et actionner les réseaux traditionnels d’approvisionnement figurent au premier plan de cette « économie de guerre » des cités menacées de siège par « l’ennemi invisible » alors que la circulation est soumise à de nombreuses contraintes. À Marseille, les échevins qui demandent de façon pressante du blé, de la viande et du bois, ont autorisé la tenue de trois marchés placés sous haute surveillance sur le chemin d’Aix, à Notre-Dame, près de Septèmes, sur celui d’Aubagne, au Logis du Mouton, et à l’Estaque pour les bâtiments de mer. Des « blés de mer » arrivent également aux îles du Frioul et au port voisin de La Ciotat, qui reçoit quatre des cinq navires adressés par le pape à l’évêque de Marseille pour secourir les nécessiteux de la ville (le cinquième navire ayant fait naufrage près de l’île de Porquerolles en décembre 1720). Toutefois, la véritable crise n’est pas de pénurie mais de cherté car depuis l’hiver 1719 la montée des prix de la viande, du vin et surtout du blé ne cesse d’être préoccupante. Malgré l’abondante récolte de 1720 la poussée des demandes de précaution participe fortement à la cherté des grains, à la peur d'en manquer et à la difficulté d’en trouver. L’augmentation des prix concerne aussi les produits nécessaires pour tenir le siège à venir (clous, vinaigre, « drogues » pour parfumer, remèdes, planches, bois, poudre, chandelles…). Nombre de ces achats sont effectués auprès de proches fournisseurs qui veulent être payés en espèces sonnantes et trébuchantes et qui refusent, comme les consuls de Martigues en décembre 1720, les « billets d’État ou billets de banque ». Cette exigence résulte de l’échec, qui se produit alors, du système de Law. Le schéma de l’expérience bancaire de l’audacieux écossais est connu : émission massive de billets de banque, spéculation, dépréciation de la nouvelle monnaie de papier, raréfaction de la monnaie métallique et inflation. Les remous se font ressentir loin de la rue Quincampoix où la banque de Law succombe des suites d’une forte fièvre spéculative. Dans ces conditions, pouvant difficilement payer en argent comptant, les représentants des pouvoirs municipaux suivent l’arrêt du Conseil d’État d’octobre 1720 qui permet aux villes et aux bourgs « environnés et menacés du mal contagieux » d’emprunter les somme nécessaires à raison du denier vingt-cinq [soit 4% l’an]. La mesure est apaisante, mais les consuls, attentifs à la « paix publique », sont amenés à combattre les hausses de prix, à taxer celui du pain car « les « sangsues […] commencent déjà à s’engraisser du sang des misérables. » Des émeutes éclatent à Marseille, Orange, Apt et Tarascon. Mais c’est à Arles que la tension est la plus vive. Cependant, l’émeute qui éclate du 4 au 6 juin 1721, soit en pleine épidémie, et à laquelle participent plusieurs femmes ne résulte pas du seul défaut de nourriture mais d’un sentiment d’injustice devant la cherté d’un blé acheté à bas prix et revendu plus cher quand les provisions s’amenuisent, en suivant en cela le classique modèle des accapareurs. La faim aurait-elle tué davantage que la maladie ? Les questions liées au ravitaillement ont été soulevées par les autorités municipales dès les premières alarmes du mal contagieux et par les historiens ensuite. Cependant, sans ignorer les inquiétudes et les troubles qui ont émaillé la vie de nombre de localités, on ne rencontre ni de véritables mesures de rationnement ni, comme ce fut le cas lors du terrible hiver de 1710, de décisions prises pour mêler de l'orge au froment afin d'économiser celui-ci. Par ailleurs, à la fin du printemps 1722, alors que le reflux du mal est largement amorcé, des communautés mettent en vente des charges de blé disponibles qui « proviennent des provisions faites pour raisons de contagion. » Aussi, malgré des tensions et certaines difficultés pour surmonter la pénurie de bonne monnaie et faire face à l’absence d’artisans (boulangers, bouchers, meuniers, poissonniers, portefaix…), force est de reconnaître qu’en 1720-1722 les Provençaux sont morts de la peste, mais non de faim.

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Buti, Gilbert, «Franchir les portes du temps. "De la famine, de la peste et de la guerre souvenez-vous Ciotadens." Émergence d'une représentation », dans Cousin Bernard (dir.), Les sociétés méditerranéennes face au risque. Représentations, Institut Français d'Archéologie Orientale, Le Caire, 2010, pp. 257-274.
Buti, Gilbert, La peste à La Valette, Marseille, Autres Temps, 1996.
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Caylux, Odile, Arles et la peste de 1720-1721, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2009.
Faure, Edgar, La banqueroute de Law, Paris, Gallimard, 1977.
Pillorget, Suzanne, « Une crise de colère des paysans d’Arles : les émeutes frumentaires des 2 et 3 janvier 1752 », Actes du 92e congrès des sociétés savantes. Strasbourg et Colmar, Paris, CTHS, 1970, pp. 383-391.

Référence bibliographique

Estat du Bled que la Communautté a acheppté Pandant la pestte pour La subsistance des habits. 1721, Archives municipales de La Valette-du-Var.

Source

Archives municipales de La Valette-du-Var, II, 20

Droits

Cliché : G. Buti

Ayants droit

Archives municipales de La Valette-du-Var

Format

36cm x 25 cm

Support

registre papier, texte manuscrit

Location

Archives municipales de La Valette-du-Var. II-20.