Arrest du Conseil d’Estat du Roy au sujet de la maladie contagieuse de la ville de Marseille, 14 septembre 1720

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Titre

Arrest du Conseil d’Estat du Roy au sujet de la maladie contagieuse de la ville de Marseille, 14 septembre 1720

Description

Intervention de l’État en temps de peste.
« Arrêt du Conseil d’État, 14 septembre 1720 »

Attentif à la multiplication des mesures préventives adoptées par de nombreuses provinces du royaume, à l’inefficacité des décisions du parlement de Provence et à la situation désastreuse de Marseille depuis le début du mois d’août 1720, le pouvoir central prend, le 14 septembre, un arrêt « au sujet de la maladie contagieuse de Marseille. » Ce texte du Conseil d’État du roi annule les mesures prises par les autorités locales et vise en premier lieu le parlement d’Aix qui, dépouillé de sa juridiction en temps de contagion, refuse de l’enregistrer. Des poteaux, portant les premiers articles du texte, sont néanmoins plantés « à toutes les entrées » et « aux extrémités du terroir » afin que nul n’en ignore le contenu alors que le parlement essaie de faire disparaître les exemplaires imprimés. Fort de 26 articles cet arrêt conditionne la lutte contre le fléau qui est alors aux portes de nombreuses cités et unifie la législation sanitaire pour tout le royaume. L’intervention royale est justifiée dès le préambule : « Le Roi étant informé que le bruit de la maladie contagieuse dont la ville de Marseille est affligée ayant répandu la crainte et l’inquiétude, non seulement dans les provinces voisines mais dans les lieux les plus éloignés, plusieurs parlements de ce royaume ont cru devoir rendre des arrêts où leur zèle, pour la conservation des provinces de leur ressort, les a portés à prendre des précautions surabondantes et capables non seulement d’augmenter l’alarme et la consternation dans le cœur des peuples, mais encore d’interrompre le cours ordinaire du commerce et de priver leur pays même, par un excès de prévoyance, des secours qui leur sont le plus nécessaires, Sa Majesté, dont les vues s’étendent également au besoin de toutes les provinces de son royaume, a jugé à propos de renfermer dans un seul arrêt toutes les précautions qui ont paru nécessaires et suffisantes pour empêcher d’un côté la communication du mal dont elle espère que la ville de Marseille sera bientôt délivrée, pour conserver de l’autre la liberté du commerce entre les différentes provinces de son royaume et veiller également à leur santé et à leur abondance. » Cette prise en main des affaires sanitaires par le pouvoir central isole Marseille et prononce le blocus de son terroir. Il est désormais interdit de franchir les lignes d’un cordon sanitaire matérialisé par le Rhône, la Durance et le Verdon sans avoir fait une quarantaine et sans présenter des billets de santé. Si l’envoi en Provence de produits du royaume est autorisé, notamment pour participer au ravitaillement de la province « en état de siège », la sortie de marchandises provençales est strictement interdite à l’exception de certaines denrées (olives, huiles, poissons séchés ou salés, fruits) et produits fabriqués (savon, parfums) soumis néanmoins à quarantaine. De même la transmission du courrier à la limite du terroir de Marseille doit respecter de nombreuses précautions : jet à distance, ramassage avec des pincettes vinaigrées, parfumage des lettres… Dans un second temps l’arrêt du Conseil d’État entend veiller à la protection des ports du royaume, voire au-delà, contre le risque pesteux représentés par l’accueil de navires provençaux. Officiellement mises en alerte contre ces risques de contagion, les institutions portuaires soumettent ces navires à de multiples contrôles (mouillage en des points précis, visite médicale des équipages, envoi de chaloupe près des navires) quand elles ne prononcent pas leur renvoi ou destruction. À Bordeaux, au Havre, à Rouen, à Saint-Malo les officiers de la santé refusent de laisser débarquer des marchandises et les font parfois détruire. Un vaisseau marseillais, qui a quitté son port d’attache en juillet 1720, pour les Provinces-Unies où il est arrivé à la fin du mois de septembre, après avoir effectué deux escales (Dunkerque et Texel), est expulsé en décembre, puis brûlé près de l’île du Texel où il s’est échoué. En précisant que cet arrêt souverain prévaudra sur n’importe quelle décision passée ou à venir de toute autre « cour et juge », l’État entend affirmer sa prérogative dans le domaine sanitaire. Malgré de véhémentes protestations du parlement d’Aix, en septembre 1722 et renouvelées en décembre 1723, la juridiction de la contagion ne lui sera pas rendue.

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Europe de l'Ouest
Provence

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Contributeur

Relation

Buti, Gilbert, « Veille sanitaire et trafics maritimes à Marseille (xviie – xviiie siècles) », dans Raffaella Salvemini (sous dir.), Istituzioni e traffici nel Mediterraneo tra età antica e crescita moderna, Naples, Consiglio Nazionale delle Ricerche, 2010, pp. 201-224.
Beauvieux, Fleur, « Épidémie, pouvoir municipal et transformation de l’espace urbain : la peste de 1720-1722 à Marseille », Rives méditerranéennes, 42, 2012, pp. 29-50.
Beauvieux Fleur, « Contrôle de l’espace urbain pendant la peste de 1720-1722 et tactiques quotidiennes des habitants», Catalogue de l’exposition Marseille en temps de peste, 1720-1722, Ville de Marseille, 2022, pp. 98-103.
Carrière, Charles, Courdurié Marcel, Rébuffat Ferréol, Marseille, ville morte : la peste de 1720, Marseille, M. Garçon, 1968.
Hildesheimer, Françoise, Des épidémies en France sous l’Ancien Régime : une relecture, Paris, Nouveau Monde édition, 2021.

Référence bibliographique

Arrest du Conseil d’Estat du Roy au sujet de la maladie contagieuse de la ville de Marseille, 14 septembre 1720. Archives départementales des Alpes de Haute-Provence, 1 Fi. 1/199.
Archives municipales de La Valette du Var. II. 19.

Source

Archives départementales des Alpes de Haute-Provence

Ayants droit

Cliché : Gilbert Buti
Archives départementales des Alpes de Haute-Provence