La "Bibliothèque Solidaire du Confinement" sur Facebook (2020-...)

Reseaux_Facebook-Biblio-solidaire-confinement-01_10_2020.png

Titre

La "Bibliothèque Solidaire du Confinement" sur Facebook (2020-...)

Description

Une médiathèque collaborative libre sur Facebook

Les réseaux sociaux numériques, malgré la surveillance accrue dont ses contenus font l'objet, les rumeurs et « infox » de toute sorte qui peuvent y circuler, et les bulles d’opinion qu’ils tendent à créer par ailleurs, demeurent des plateformes d'expression et de partage qui offrent à leurs usagers de vastes interstices de communication et d’échange libre d’informations.
Durant la crise du coronavirus, des initiatives citoyennes concrètes ont même pu y fleurir. Cette image, extraite du site web Facebook français, en montre un exemple pour le domaine académique, intéressant en ce qu'il a perduré au-delà de la période dite du premier confinement. Il s'agit de la page Facebook du groupe « Bibliothèque solidaire du confinement (#BiblioSolidaire) », initialement constitué par de jeunes universitaires, en train de rédiger un mémoire de recherche ou une thèse, subitement privés d'accès aux bibliothèques. La page permet à quiconque s’inscrit à ce groupe privé de demander conseil pour localiser des ressources bibliographiques inaccessibles (en raison du confinement, ou de façon générale) et de proposer en réponse, par message privé, une modalité de partage dudit document. La popularité de ce groupe, l'intensité de l'interaction entre ses membres, et sa durabilité dans le temps en font « un exemple emblématique de réponse collective à la fermeture des bibliothèques » (Clémentin, 2022). Cette « Bibliothèque solidaire », à partir de laquelle se sont échangées des milliers de références bibliographiques et de ressources scientifiques, a finalement perduré bien au-delà des périodes de confinement, et a vite attiré l’attention des médias, ainsi que des chercheurs (Amar, 2021; Bert-Erboul et.al., 2022).
Créé à partir d'une suggestion initialement publiée dans un fil Twitter, ce groupe Facebook gagne en quelques jours seulement, grâce au bouche à oreille, des dizaines de milliers de membres : il en comptait 63379 au 1er octobre 2020 (et presque 68000 fin 2022).  Face à ce succès, ses administrateurs ont rapidement dû élaborer des règles internes et des procédures de modération (Wiart, 2022). Ainsi, ils publient quelques jours après le lancement du groupe, dans la rubrique À propos de sa page Facebook, une charte qui tient lieu à la foi de déclaration de principes (on y utilise par exemple l’écriture inclusive), de couverture légale (on y interdit l’hébergement ou le lien de la moindre ressource) et de mode d’emploi (on y explique comment référencer une requête et chercher des réponses dans les échanges déjà publiés).
Cette activité de « modération » des échanges au sein du groupe mobilise les énergies de toute une équipe d’animateurs (G. Clémencin dénombre, pour la période mars 2020 – janvier 2021, environ 2700 messages émis par les administrateurs et modérateurs du groupe).
Parmi les préoccupations dont font état les messages de ces « admin », celle du classement des requêtes et des réponses, au moyen de leur étiquetage par mots-clés, est récurrente. « Nous avons mis en œuvre un système de classement par sujets pour s'y retrouver dans les différentes disciplines, et vous pouvez utiliser des hashtags pour affiner encore le sujet de votre publication », explique ainsi le texte déjà cité.
Il s’agit non seulement d’assurer le référencement des ressources pointées à travers cette page, mais aussi de permettre aux nouveaux usagers, toujours plus nombreux, de s’orienter parmi les réponses déjà offertes dans des discussions précédentes. À cette fin, dès le 1er mai 2020, pour fêter « les 60.000 membres » du groupe (nous sommes alors un mois et demi environ après le début du premier confinement en France), l’utilisateur Louis Ratpi, qui a le statut d’administrateur, fournit aux membres une procédure de recherche préalable à toute requête sur le fil du groupe. Elle est résumée en un schéma, que l’on peut voir sur la capture d’écran ci-dessus, qui montre l’aspect de la page d’accueil du groupe à la date du 2 novembre 2020. Ce diagramme de flux (flowchart) indique toutes les étapes à suivre, avant de déposer un message de requête sur la BSc, pour vérifier que le document demandé n’est pas déjà présent sur le web, via des bases de données scientifiques, des répertoires académiques en ligne et autres plateformes d’édition ouverte —ce qui témoigne de pratiques numériques déjà installées dans le champ de la jeune recherche française, notamment en Sciences Humaines et Sociales, qui sont les plus représentées dans ces échanges.

Par ailleurs, les administrateurs et administratrices de la Bibliothèque Solidaire du confinement sont particulièrement attentifs aux questions relatives aux conditions « légales » de ces échanges d’information, qui ne doivent en aucun cas, martèlent-ils, relever du partage de ressources : on lit ainsi dans le texte À propos de la page de la BSc que « ce groupe public ne peut héberger aucun document dont ceux qui le partagent publiquement ne sont pas les auteurs : tous les échanges se font entre membres, sous leur responsabilité propre ». Comme l’estime G. Clémencin, « les documents, par le biais des messages des membres, font ici l’objet d’une sorte de titrisation qui permet au groupe de les évoquer et de les désigner sans jamais avoir à les manipuler ni les montrer. […] ce n’est pas au grand jour, c’est bien dans l’ombre – dans l’ombre de Facebook – que s’échangent les titres des documents ». Les règles de fonctionnement du groupe permettent ainsi d’occulter les opérations d’échange de documents en les renvoyant à la sphère privée, et même d’effacer toute trace de ces transactions. Le groupe ne veut être le dépositaire d’aucun des fonds qu’il nomme ou pointe, et ne propose aucun registre ordonné ni catalogue hiérarchisé de ces références, autre que les agglomérats mouvants de hashtags mentionnés dans les messages, qui évoluent au gré des dialogues virtuels et de la sérendipité propre au web. « Le groupe n’assure aucune des missions usuelles d’une bibliothèque et fait même tout pour les évacuer », estime G. Clémencin (2022). En ce sens, la Bibliothèque Solidaire du confinement est donc une sorte « d’anti-bibliothèque », ou plutôt « de bibliothèque parallèle ou de bibliothèque souterraine ». Dont l’usage, qui s’est prolongé au-delà des deux premières années de la pandémie de Covid-19, montre que plutôt que la fermeture temporaire des bibliothèques, ce qui a conditionné le succès de cette initiative est la question, beaucoup plus générale, de l’accès libre aux données de la recherche et aux publications scientifiques.

Couverture

Couverture spatiale

Web français

Couverture temporelle

Date

Type

Site web

Langue

Relation

Amar, Muriel, « Avatars de la bibliothèque en période de confinement. Retours sur #BibliothèqueSolidaire et Silent Zoom », in 2020. Effets et conséquences de la crise sanitaire, Bulletin des bibliothèques de France, 2021, pp. 20‑22. En ligne : https://www.cairn.info/effets-et-consequences-de-la-crise-sanitaire--9782492897009-p-20.htm.
Bert-Erboul, Clément; Fayet, Sylvie et Wiart, Louis (éds.), À l’ombre des bibliothèques : Enquête sur les formes d’existence des bibliothèques en situation de fermeture sanitaire, Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, 2022. En ligne : http://books.openedition.org/pressesenssib/16389.

Clémencin, Grégoire, « Parcours 3. La Bibliothèque Solidaire du confinement, l’anti-bibliothèque ? », in Clément Bert-Erboul et al., (éds.). À l’ombre des bibliothèques, Presses de l’ENSSIB, 2022,  pp. 42‑58. En ligne : http://books.openedition.org/pressesenssib/16619.

Wiart, Louis, « Parcours 10. Le community management de La Bibliothèque Solidaire du confinement. Du partage documentaire à la capitalisation des connaissances ? », in Clément Bert-Erboul et al., (éds.). À l’ombre des bibliothèques, Presses de l’ENSSIB, 2022, pp. 178‑193. En ligne : http://books.openedition.org/pressesenssib/16644.

Référence bibliographique

Capture d'écran de la page d'accueil du groupe Facebook "Bibliothèque solidaire du confinement", le 1er novembre 2020, https://www.facebook.com/groups/bibliothequesolidaire/

Source

Groupe Facebook "Bibliothèque solidaire du confinement", https://www.facebook.com/groups/bibliothequesolidaire/