Bouyon fecit. St Roch ora pro nobis, 1721

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Titre

Bouyon fecit. St Roch ora pro nobis, 1721

Description

Jean-François Bouyon, notaire et greffier du conseil de ville de La Valette, a dessiné et invoqué « Saint-Roch » sur un registre communal à la suite d’un bref mémoire récapitulant les biens de l’hôpital du Saint-Esprit, auquel il a alors recours pour lutter contre la contagion. Intercesseur thérapeute par excellence, saint Roch est invoqué dans 30% des testaments enregistrés par le notaire Bouyon, alors que saint Sébastien, autre saint anti-pesteux, semble ignoré. Pourtant la dévotion à saint Sébastien n’était pas absente du bourg provençal (on y trouve un chemin, une confrérie et une chapelle) alors que saint Roch, au culte tardif mais auquel est consacré le plus grand nombre de chapelles dans la France de la fin du XVIIe siècle, n’apparaît pas dans la topographie religieuse locale.. Dans le couvent des Minimes, présent à La Valette, on n’observe pas de dévotion en faveur du fondateur de leur ordre, à savoir saint François de Paule dont la protection contre la peste est pourtant recherchée à Bormes et plus encore à Fréjus ainsi que le rappelle avec force le vœu renouvelé par la communauté fréjussienne, le 20 octobre 1720, en souvenir de la protection accordée en 1609. Menacées par la propagation du fléau, les autorités avignonnaises prévoient également, le 24 août 1721, « une fête magnifique dans l’église des révérends pères Minimes en l’honneur de leur patriarche saint François de Paule qu’ils ont choisi pour leur Patron et Protecteur contre la peste. » Rien de tel parmi les références valettoises laissées par le notaire Bouyon. Le culte de saint Roch, dont la vie reste mal connue, malgré de nombreux travaux de qualité, est assez tardif. Sans doute né à Montpellier au début du XIVe siècle, le saint avait contracté la peste en Italie lors d'un pèlerinage, alors qu'il s'empressait de secourir les malades en faisant le signe de la croix sur les bubons et charbons. Retiré dans une forêt, il aurait été soigné par un ange et nourri par un chien lui apportant quotidiennement un pain dérobé à son maître, un certain Gothard. Le dessin du notaire est tout à fait conforme aux multiples représentations du saint largement diffusées, surtout après sa canonisation en 1623. Saint Roch, barbu, porte la tenue traditionnelle du pèlerin (pèlerine, panetière, gourde et bâton noueux ou bourdon) et soulève de sa main droite un pan de son vêtement pour laisser apparaître la marque d’un ancien bubon. Au reste, il semble que Bouyon ait dessiné, outre une fibule maintenant le manteau, la marque en forme de croix attestant dès sa naissance que l'enfant était consacré à Dieu. L'animal, à ses côtés, malgré une silhouette quelque peu chevaline, est probablement le chien de Gothard qui accompagne ordinairement les représentations du saint. Étant donné le stéréotype de la scène reproduite, le notaire ne peut que transcrire une représentation familière. Le paysage, à l’arrière-plan, fournit un complément d’information dans la mesure où, au pied du versant nord-est du mont Faron (exagérément escarpé), sur le terroir de La Valette, se trouvait une chapelle saint-Clair (anciennement dédicacée à saint-Roch ?), aujourd’hui détruite, étape obligatoire d’une ancienne procession annuelle. Ce romérage, aux limites de La Valette et du bourg voisin du Revest, constituait un des temps forts de la vie religieuse locale, et se déroulait le premier dimanche du mois de mai. Or, en ce dimanche, la serrado interdit pareil rassemblement que dirigeait la confrérie des Pénitents blancs à laquelle appartenait le notaire Bouyon.

Couverture

Couverture spatiale

Provence
Toulon
La Valette

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Date

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Archive

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Contributeur

Relation

Buti, Gilbert, « La peste à La Valette en 1721 : Livre jaune et grand témoin », Provence historique, fasc.189, juillet-septembre 1997, pp. 513-534.
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Bertrand, Régis, Mort et mémoire. Provence XVIIIe-XXe s. Une approche d’historien, Marseille, La Thune, 2011.
Martin, Philippe, Les religions face aux épidémies. De la peste à la covid-19, Paris, éditions du Cerf, 2020.
Sigal, Pierre André, Les marcheurs de Dieu, Paris, A. Colin, 1974.
Vovelle, Michel, L’heure du grand passage : chronique de la mort, Paris, Gallimard coll. « Découvertes », 1993.

Référence bibliographique

Bouyon fecit. St Roch ora pro nobis, 1721, Jean-François Bouyon, 1721, Archives municipales de La Valette-du-Var. II-20. Livre jaune.

Source

Archives municipales de La Valette-du-Var. II-20. Livre jaune

Droits

Domaine public

Ayants droit

Cliché : Gilbert Buti

Format

18 cm x 21 cm

Support

Registre : papier (dessin manuscrit)