On peut lutter contre la grippe espagnole

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Titre

On peut lutter contre la grippe espagnole

Description

Les deux vagues de pandémie grippale qui frappent la France entre avril et décembre 1918 posent la question des moyens à mettre en œuvre de type prophylactique, pour se prémunir de la contagion, et thérapeutique, pour guérir de la maladie. L’article « On peut lutter contre la grippe espagnole » paru le 26 septembre 1918 dans Le Petit Parisien témoigne de la mission sociale que s’assigne la presse d’information en agissant en faveur de la santé publique. Sans que les autorités médicales consultées ne soient identifiées précisément, le processus consistant pour les journaux à faire appel à des savoirs experts est ici mis en évidence. La mise en mots du risque par les médias constitue un exercice de pédagogie à l’œuvre dans ce texte. La presse s’y montre en premier lieu au service de tous, en rappelant que la grippe est universelle à la fois dans sa forme pandémique et au sens où elle ignore les différences sociales, frappant les pauvres comme les puissants, tel le prince Erik de Suède, fils du roi Gustave V. Les journaux se placent en outre délibérément « au ras du sol » en faisant appel à l’expérience de leurs lecteurs. L’évocation de la précédente pandémie (la grippe russe de 1889), vieille d’environ trente ans, reflète la familiarité relative qu’ont encore au début du XXe siècle les populations européennes avec les épidémies qui s’inscrivent dans une mémoire collective. L’article du Petit Parisien se montre enfin soucieux de mettre l’information scientifique à la portée de la société, en combinant registre sémantique expert, à travers l’énumération de divers agents pathogènes (bacille de Pfeiffer, pneumocoque, streptocoque) et approche typologique. Cette démarche typologique qui emprunte à la nosologie se montre efficace en termes de communication en invitant le lecteur à identifier les trois formes de la grippe, de sa manifestation la plus bénigne qui se confond avec le rhume, aux formes plus sérieuses, voire mortelles. Une des spécificités de cette maladie infectieuse respiratoire aiguë d’origine virale est ainsi mise en exergue : en dépit de sa banalité, elle peut être fatale. Souvent qualifiée d’ennemi invisible, la grippe est une pathologie dont les symptômes sont difficiles à établir. L’intérêt de cet article est aussi qu’il donne à voir les motifs tissant la trame du récit épidémique: la notion de rebond de la maladie, matérialisée par la seconde vague qui sévit depuis le mois d’août 1918 ; le sacrifice des soignants à travers l’exemple du fils du Docteur Variot, héroïsé dans le contexte de guerre au même titre que son frère mort au champ d’honneur ; la capitalisation enfin de l’expérience passée, proche (celle de la première vague) et plus lointaine (celle de la précédente pandémie de 1889 qualifiée de plus massive) dont on tire les leçons notamment pour ce qui est des mesures prophylactiques à prendre. L’allusion à l’épisode de Brest témoigne pourtant de fortes limites dans l’application des précautions sanitaires à activer en cas de crise. Les ports, en particulier de la façade atlantique, se sont révélés des points particulièrement sensibles en matière de « circulations microbiennes » (Le Roy Ladurie, 1978) alimentées en grande partie par l’arrivée des troupes américaines engagées dans le conflit. L’article se fait l’écho de la pratique reposant sur des rassemblements massifs de troupes, objet d’une vive polémique. Le 24 septembre, soit deux jours plus tôt, de Kerguézec, député des Côtes-du-Nord, a interpelé le gouvernement à la chambre au sujet du développement de l’épidémie dans les dépôts de la marine de Brest, de Rochefort et de Lorient. Alors que la prudence incite à éviter les concentrations, la gestion des troupes par l’armée est ici prise en faute. Ce texte éclaire enfin le geste thérapeutique qui est mis en œuvre face à la grippe, reposant sur l’isolement des malades. L’arsenal médicamenteux dont on dispose est effet limité. Les publicités de l’époque en témoignent. En-dehors de l’aspirine et des antipyrétiques prescrits contre la fièvre, les remèdes disponibles soignent des maux multiples : pilules Pink (qui agissent contre l’anémie), pâte Regnaud, pastilles Valda, tablettes Triumph, Mycolsine (utilisée également dans le traitement de la tuberculose), vin de Vial. Au cours de la pandémie, de nouvelles formules sont mises sur le marché, pastilles Dupeyroux, Gomenol-Rhino, Anidol, Grippecure. La mortalité grippale reflète dans une large mesure l’impuissance thérapeutique face à l’épidémie.

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Paris

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Presse

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Référence bibliographique

"On peut lutter contre la grippe espagnole", in Le Petit Parisien, Paris, 26 septembre 1918 (n° 15206), p. 2.

Source

Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850

Notice du catalogue :  http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34419111x
Identifiant :  ark:/12148/bpt6k566665x
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