Titre
Description
Témoin indirect :
Daniel Defoe (vers 1660-1731), auteur du Journal de l’année de la peste (Journal of the Plague Year)
Le Journal de l’année de la peste, écrit par Daniel Defoe et publié en 1722, relate l’épidémie qui a frappé Londres en 1665, mais c’est la peste de Marseille de 1720 qui est à l’origine de sa rédaction. Cet ouvrage n’est pas une œuvre de pure fiction mais présente une valeur réellement documentaire. Defoe n’avait certes que cinq ans en 1665 mais a puisé pour rédiger son Journal dans les souvenirs de ses proches, ainsi que dans les publications qui ont suivi l’épidémie de 1665 comme dans les traités suscités par la grande contagion de 1720, notamment le Court traité concernant la contagion pestilentielle et les moyens de l’éviter du médecin Richard Mead (A Short Discourse concerning the pestilential contagion and the Methods to be used to Prevent it). Il a également introduit, directement ou non, des éléments empruntés à la situation provençale de son temps.
Les Anglais, surtout les Londoniens, suivent avec anxiété le développement de l’épidémie de 1720 dès son annonce, le 10 août, faite par le Daily Courant à partir d’une lettre de Gênes en date du 27 juillet. La peur de voir l’infection atteindre la Grande-Bretagne, qui n’a pas connu de peste depuis plus d’un demi-siècle, conduit à la prise de mesures rigoureuses. Ainsi, sans exclure des arrière-pensées commerciales, l’Angleterre impose, le 25 août, la quarantaine à tous les navires en provenance de Marseille, et plus largement de Méditerranée. En février 1721, deux vaisseaux sont incendiés dans la Tamise car soupçonnés de s’être « approchés de trop près de certains lieux infectés par la peste. »
Daniel Defoe qui collabore à plusieurs journaux (Daily Courant, Daily Post et Applebee’s Journal) saisit l’événement et rédige des articles sous diverses identités, comme celles de Tom Turbulent et Prudential. Le 12 août dans le Daily Post l’écrivain ironise sur le temps mis par les autorités marseillaises à avouer la présence de la maladie contagieuse dans les murs de la ville, et pas seulement aux infirmeries. D’autres articles suivent décrivant les conditions épouvantables à Marseille, mais aussi à Toulon où « on est d’avis que dans quelques semaines il ne restera plus en vie aucun être animé » et à Arles où « on estime qu’il ne reste plus cent personnes dans ce lieu autrefois très peuplé. » Outre ces articles rédigés au cours de l’année 1721 et alors que l’inquiétude grandit en Angleterre, Defoe fait paraître, en février 1722, un long texte dans lequel il expose anonymement l’histoire d’une famille qui a réussi à éviter la contamination en 1665 en restant confinée chez elle : Justes préparatifs pour la peste, aussi bien pour l’âme que pour le corps. Étant des réflexions opportunes sur l’approche visible de la terrible contagion qui sévit à présent en France, les moyens de l’arrêter et la grande œuvre de s’y soumettre.
Le mois suivant, et de manière tout aussi anonyme, il publie le Journal de l’année de la peste. Étant des observations ou mémoires des événements les plus remarquables, aussi bien publics que privés, survenus à Londres pendant la grande épreuve de 1665. Rédigé par un citoyen qui resta tout le temps à Londres. Rendu public pour la première fois.
D’un grand réalisme, ce texte est en fait, par ses descriptions cliniques, les comportements humains, le climat de terreur et la désolation des espaces contaminés, un tableau de toutes les pestes du xviie siècle. En suivant un commerçant aisé, un sellier, il parcourt la ville de Londres en proie au fléau, recueille les échos de l’extérieur, pointe les difficultés du ravitaillement et l’arrêt des affaires. En cela il présente de nombreux de points communs avec le Journal (1660-1669) de Samuel Pepys, haut fonctionnaire au ministère de la Marine.
Toutefois, comme un retour d’expérience le récit de Defoe a un objectif utilitaire et moralisateur. Alors que plane la menace de la contagion venue de Marseille, il s’agit de tirer tous les enseignements possibles pour éviter la « venue du mal » et pour essayer de s’y résigner dans la crainte de Dieu car ces notes ont été consignées « pour imprimer la juste crainte de Dieu sur l’esprit des hommes en pareilles occasions et non pour l’affaiblir. »
Il projette également rétrospectivement sur 1665 des réflexions formulées à partir de la situation provençale qu’il s’agisse de l’efficacité des feux publics allumés dans les villes pour détruire les miasmes, ou de la considération novatrice d’une possible contagion interhumaine, en exprimant à cette occasion la notion de « porteurs sains », que l’on retrouve ultérieurement, avec un certain scepticisme chez d’aucuns à propos d’autres épidémies…
Prétexte au Journal de Daniel Defoe, la peste de 1720 épargnera cependant l’Angleterre et son souvenir affleurera seulement, quelques années plus tard, le poème d’Alexander Pope, Essai sur l’homme (1734), au sujet de l’attitude de Belsunce, l’évêque de Marseille :
« Pourquoi le bon évêque de Marseille respira-t-il un air si pur, Lorsque la nature languissait et que chaque brise semait la mort ? »
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Référence bibliographique
Daniel Defoe, Michael Vandergucht d'après Jeremiah Taverner, 1706, Primary Collection, National Portait Gallery 3960, gravure, Domaine public