Titre
Description
La littérature médicale sur la fièvre jaune fut particulièrement abondante, en Europe comme en Amérique du Nord, pendant tout le premier tiers du XIXe siècle. Mais les disciples d’Esculape ne furent pas les seuls à donner leurs points de vue sur la question. Ainsi, lors de la grave crise sanitaire que connut la Catalogne en 1821 et fit plus de 20 000 morts dans la seule ville de Barcelone, maints épidémiologistes autoproclamés, sans autre compétence que celle qu’ils s’attribuaient, ne manquèrent pas de communiquer au public des remèdes infaillibles ignorés par les médecins pour prévenir et guérir la funeste maladie si redoutée par tous.
Ainsi, en Espagne, un peintre exposa-t-il doctement dans la presse les critiques qu’il formulait contre les fumigations censées purifier l’air. En France, un capitaine d’artillerie du nom de Dutertre eut le front d’adresser, en novembre 1821 aux « médecins français envoyés en Espagne » une lettre qu’il publia l’année suivante pour leur expliquer l’origine du mal qu’ils étaient chargés d’observer et les moyens de le combattre efficacement. Pour lui, tout était simple : la maladie provenait de ce que ceux qui en étaient atteints ne s’étaient pas assez baignés, s’étaient mal nourris, en n’ayant pas le soin de manger à leur dîner des viandes chaudes rôties, et de boire du vin d’autant meilleur et en moindre quantité que l’air était plus chaud. Et pour ceux qui n’avaient pas usé de ce « préservatif très sûr » et avaient contracté la maladie, il suffisait d’appliquer « un remède très sûr », qu’il voulait bien divulguer, et qui consistait à « laisser agir ce feu de la vie qui fait et purifie le sang jusqu’à ce que le fiévreux, qui ne doit rien prendre […] ait senti dans tout son corps une forte chaleur intérieure, qu’il ait apaisée, si elle est trop gênante, en se lavant les mains, la figure et même tout le corps avec du vin et du miel ».
Ce ne sont là que deux exemples tirés de la littérature paramédicale de l’époque, et l’on peut se douter que la fièvre jaune fut l’objet de maintes discussions dans les tavernes, dont le nombre de clients fut restreint, mais qui ne furent pas fermées pendant l’épidémie.
Médecins français et espagnols répondirent généralement par un silence méprisant aux propos tenus par ceux qui n’avaient pas été adoubés par la Faculté. Ils firent toutefois une exception en faveur de l’un d’entre eux, le chef d’escadron Moreau de Jonnès, qui, comme le capitaine Dutertre, avait pu voir les ravages de la fièvre jaune aux Antilles et publia plusieurs ouvrages sur les observations qu’il avait pu y faire, parmi lesquels celui, paru en 1820, dont la page de titre est reproduite ci-dessus. Pour disparate qu’elle fût, la liste des institutions savantes (parfois prestigieuses) auxquelles il avait été admis prouvait le sérieux des travaux très divers auxquels se livrait ce militaire et ses publications sur la fièvre jaune devinrent rapidement des ouvrages de référence dans la bibliographie sur cette maladie. Sa réputation de spécialiste fut telle que la rumeur circula même que le gouvernement français songeait à l’envoyer se joindre aux médecins mandés à Barcelone. Mais, à l’exception de ce cas fort exceptionnel, les prises de position des spécialistes autoproclamés ne firent qu’ajouter à l’inquiétude d’une opinion publique troublée par l’extrême confusion qui régnait parmi les hommes de l’art sur l’origine et le développement de l’épidémie et la façon d’en venir à bout.
Couverture spatiale
Couverture temporelle
Date
Type
Langue
Contributeur
Relation
Référence bibliographique
Source
Consultable en ligne sur la Bibliothèque numérique MANIOC ou sur Internet Archive (London School of Hygiene & Tropical Medicine Library & Archives Service)